La neige de l'attente: Chronique d'un Hiver de Préparation et d'Effondrement doux

 
Vive l’IA, il n’y a aucune chance que je puisse m’asseoir par terre!

Les premiers flocons de 2025 sont attendus pour demain ici. Ils vont tomber, non pas comme une bénédiction, mais comme la première sentence d'un jugement que nous savons long et sans appel. Nous avons vu les canicules, les feux démesurés des étés passés. Maintenant, voici le Froid. Il n'est plus seulement une saison. Il est une entité, un prédateur patient qui teste l’armure de notre civilisation, et nous savons tous à quel point cette armure est mince.

La Route, d’abord. Le calendrier est gravé dans la chair vive du citoyen du Nord: le 1er décembre au 15 mars. Plus de surprise, plus de délai, juste la pression de prendre rendez-vous maintenant, avant que le système de prise de contact en ligne ne sature, avant que les garages ne manquent de main-d’œuvre ou, pire, de gommes. Et les pneus quatre saisons? Vous rappelez-vous du mépris dans la voix? C’est de la merde, hier comme aujourd'hui. Une trahison face à la glace noire, une promesse de glissade vers l’acier tordu et le sang sur la bordure. Ne faites pas cette erreur, elle est fatale et elle est stupide. C’est le premier pacte de survie: adhérer.
Puis, vient l'humiliation du Corps. Il faut ressortir les vêtements, et avec eux, l'odeur de naphtaline et de déception. Les foutues bottes de la saison dernière qui sentent le cuir fatigué et le sel de déglaçage, les gros bas qui pincent, les sous-vêtements thermiques qui emprisonnent plus que la chaleur: ils emprisonnent la conscience que, oui, on est encore là, à se recouvrir comme des oignons pour se défendre.

Les chandails de laine, plus chauds que beaux; ce sont les seuls qui ne mentent pas. Les mitaines, les gants, toujours un seul qui manque, et la panique sourde de ne pas avoir la paire au moment où l'air vous brûle les doigts. Et la tuque! Qu’elle soit crochetée par une mère-grand ou une amie grano, elle est notre dernière relique d'une résilience que les puces électroniques et les applications n'ont pas encore réussi à tuer. Ces couches de vêtements, c'est ce qui nous sépare du néant blanc, le minimum de base pour ne pas passer l’hiver à agoniser sous la vitre embuée.

Mais la véritable peur, la peur québécoise, c'est celle de l’Effondrement Domestique.  Quand la tempête est si forte qu'elle devient un personnage maléfique, quand la souffleuse ne fournit pas, et que surtout, Hydro-Québec se plante ben raide, non pas juste une panne de secteur, mais un dérèglement majeur. On parle de cyberattaques maintenant, de réseaux fragilisés par des événements climatiques qu'on n'aurait jamais imaginés il y a dix ans.

Le gouvernement parle de trois jours de réserves. C’est un murmure naïf contre le rugissement du Froid.
  • Eau/Jus. La première chose à avoir, car quand la pression lâche, quand le gel monte, l’eau devient plus précieuse que l’or.
  • Les Conserves. Vous dites que ça ne goûte pas bon. Mais dans l'obscurité, le goût du thon ou des haricots, c'est le goût de la victoire sur le vide. C’est la saveur de la survie.
  • Lait en poudre, Café, Chocolat chaud. Les rituels. Ce qui nous rappelle que nous sommes des humains, pas des bêtes. Le dernier refuge du réconfort avant que la faim ne dévore tout.
Et pour fonctionner, il ne faut pas se fier au réseau. Un système de cuisson alternatif. Le poêle à bois, le gaz, la génératrice, une petite chaufferette au kérosène, silencieuse et efficace, qui sent le pétrole et l’isolement, mais qui tient l’Ombre à distance. Elle est le symbole de notre autonomie forcée.
Lampe de poche, allumettes, chandelles. Le feu contre le Noir. Mais la radio portable, elle, est essentielle. Elle vous relie au monde, même si le monde est en train de brûler. Vous pourrez écouter la musique, ou les bulletins d’urgence. La différence est mince, parfois.

Les jeux de société, la lecture. C’est vital. Car le temps, quand tout s'arrête, est la chose la plus dangereuse. Il faut occuper l'esprit pour ne pas le laisser vagabonder vers les recoins sombres du doute et de la folie.

Enfin, l’argent liquide. C’est la clé de la peur moderne en 2025. Un crash économique, un dérèglement de la société, si les banques sont fermées, si les guichets automatiques sont des monolithes muets, si la carte de débit est un morceau de plastique sans valeur. Avoir du cash dans un endroit secret que vous seul connaissez, c'est votre dernière ligne de défense. Votre capacité à faire des échanges, à acheter le strict nécessaire. C’est la preuve que vous n’avez pas fait confiance au tout-numérique qui peut s’éteindre d’un simple clic.

J'en achète un peu plus chaque semaine. Je fais des réserves pour trois semaines, moi. Vous, si c'est pour une semaine, un mois, c’est déjà très bon. On ne sait jamais ce qui peut nous « tomber dessus »;). Ce sourire dans le texte est un rictus. Il signifie: je suis prête pour le moment où tout va lâcher.

Et la voiture, ce sanctuaire d'acier. Liquide lave-glace -40, pelle pliante, plaques de traction. Câbles de démarrage de bonne qualité  (pas de la camelote). Une trousse de premiers secours à jour, de l'eau, des collations. Et de la lecture. Car être pris sur la route, c'est se retrouver dans un huis clos minuscule et glacial, à attendre que quelqu'un, ou quelque chose, vienne vous sauver. Et si ça prend des heures, il vous faudra tenir.

La liste n'est pas complète. C'est votre fardeau, votre devoir. L'hiver n’est jamais facile au Québec. Mais en 2025, il est une mise à l'épreuve. On espère qu'il ne sera pas trop souffrant, mais au fond, on sait qu'il faudra souffrir un peu. Et se préparer à souffrir beaucoup. C'est ça, vivre ici.
Soyez prêts. Le Froid n'attend pas les explications.



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