Les Bottillons de la Cadence lente
On pourrait passer des heures à dévisager la couture raide du jean, ce gris charbonneux qui n’a plus la candeur de sa jeunesse, mais c’est aux pieds, toujours, que l’œil s’arrête. Ces bottillons ne sont pas une coquetterie; ils sont le piquant qui met le reste de la toile en valeur, la mienne.
Le motif, léopard fatigué, n’a plus rien de l’agression sauvage. Il est une camouflage discrète, presque terne, qui a appris à se fondre dans la poussière du chemin. À cinquante ans, on ne cherche plus à rugir ; on a compris que la force réside dans la silencieuse affirmation. Ces bottillons-là sont le petit luxe qu'on s'offre pour contraster avec la tignasse devenue toute grise; une toison d'argent qui témoigne des hivers traversés. Ils sont le clin d'œil, le désordre délibéré au bas de la silhouette, un défi à l'uniformité.
C'est là que réside toute la poésie: entre la masse de cheveux immaculée et le motif effronté des pieds. Seule la frange, au toupet, reste obstinément ébène, une dernière ligne de défense, une résistance minuscule qui refuse de se rendre. C'est le même geste, la même intention qui a choisi la frange noire tenace et le motif animal des bottillons: celui de la guerrière qui se pare pour elle-même.
Ces bottillons portent le poids du corps, mais ils ne me feront pas marcher plus rapidement, non. La canne, devenue compagne fidèle, dicte le rythme. Mais ces chaussures, avec leur motif subtil, elles me donnent un style. Un style qui dit: «Je ralentis peut-être, mon histoire est visible, mais je décide toujours de la touche finale.»
Ce n’est pas la botte de sept lieues qui rêve d'évasion spectaculaire. C’est la chaussure des petites victoires invisibles de la cinquantaine, celle qui sait que la vie est une affaire de contraste: le gris profond du jean et de la chevelure contre l'écho de la vitalité dans ces taches léopard, le pas posé contre l'éclat de l'ébène.
En somme, ces bottillons et ce jean ne racontent pas une mode, ils racontent une persistance joyeuse. Ils sont la preuve concrète que l'élégance de la jeune cinquantenaire réside dans sa capacité à harmoniser ses contradictions: le calme de la grisaille acceptée et le pari du piquant choisi.



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