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La Tyrannie du Dépanneur : Quand la « convenience » devient un art de vivre.

 


C'est pas une histoire d'épicerie fine, ça. C’est l’histoire d’une place laide, full d’éclairage au néon blafard, où les planchers collent pis où la caissière a l’air d’être tannée de sa vie depuis la Crise d'Octobre. C’est ça, le dépanneur. Pis c’est le centre de notre maudite vie.

Tu l’appelles le convenience store en anglais, mais ici, c’est le dépaneur. Juste le mot, t'sé, il est tout croche. Il a la chienne d’être français, mais il est trop lâche pour s’assumer anglais. Un entre-deux, comme nous autres.


Le dépaneur, c'est pas un magasin, c’est un distributeur de vices légaux, l’endroit où tu câles tes résolutions de la veille. Pis souvent, c'est tenu par un monsieur ou une madame qui travaille plus d'heures que le soleil. Un Asiatique, souvent Vietnamien ou Chinois, qui a vu plus de bouteilles de fort passées sur son comptoir que nous autres dans nos rêves les plus mouillés. Lui, il est pas là pour la philosophie. Il est là pour les chifffres.

Tu y vas pas pour le panier d'épicerie. Pantoute. Tu y vas à 23 heures, quand la trail est barrée et que ton cerveau chuchote : «Manque de bière. Manque de chips. Manque de papier à toilette, mais on verra ça demain.» C’est le temple de la gratification immédiate, la poche de sel que tu mérites parce que t'as survécu à ta journée de marde.


La sociologie du dépaneur, c’est ça: c'est l'anti-bibliothèque. On n'y vient pas pour l’élévation de l’âme, mais pour la décadence du corps. Le dépanneur est l'unique endroit au Québec où tu peux acheter, dans la même transaction et sans te faire juger:

— Un paquet de clopes

— Du lait périmé.

— Un billet de Lotto-Max qui te fera pas gagner.

— La bière la moins chère pour ton party de garage.

— Du beef jerky douteux qui a l’air d’avoir passé l’hiver dans un banc de neige.


C'est un archetype, voyons! C'est la place où les trois âges de l’homme se rencontrent : l’ado qui niaise près des slushs en pensant qu’il est cool, l'adulte qui vient chercher son vin blanc parce qu’il a raté l'heure de la SAQ, pis la vieille madame qui achète son seul journal de la semaine. On est tous égaux devant le comptoir.


Pis là, t'as le boutonneux. Le jeune de seize ans qui rentre, le front plein de sueur, l'air de vouloir cacher un crime dans ses poches de jean. Il tourne autour du présentoir des capotes, genre qu’il étudie la composition du savon ou l'emballage du choc-choc à la menthe. Il va faire semblant d’acheter un sac de bonbons surets, mais finalement, il va sacrer les condoms sur le comptoir. La caissière, elle, le regarde avec l’ennui des siècles. Elle ne dit rien. Zéro jugement. Juste un : «Ça fait 12 et 50.» C’est ça, la vraie initiation québécoise, pas le permis de conduire.

Pis le propriétaire, il a vu la game cent mille fois. Il a pas le temps de niaiser. Il sait que ce jeune-là va revenir le lendemain pour une slush parce que les baguettes de l'amour, câlisse, ça donne soif.


Le dépaneur nous montre une affaire plate, mais essentielle: on est des créatures de la dernière minute. On aime se paqueter la fraise sans avoir planifié. On veut de la convenience, mais on la veut laidement, parce que si c'était trop beau, on se sentirait coupable de l'aimer autant.


Alors, la prochaine fois que tu vas chercher ta caisse de bière pas chère et ton paquet de beef jerky, pense-y : Tu es au cœur d’une philosophie. La philosophie de l’urgence non essentielle, gérée par quelqu'un qui est juste trop fatigué pour s'en faire.



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